Oisans | Le plateau d’Emparis

L’Oisans est un territoire sublime. C’est jusqu’ici un de mes vrais coups de cœur à la montagne ; au-delà du seul paysage du plateau d’Emparis et de la Meije qui domine ce plateau et les vallées alentours, il y a quelque chose d’immense, de terrifiant et d’apaisant à la fois dans ces pics. La randonnée sous la Dibona est restée crochetée à mon âme, et la Meije des récits d’alpinisme m’attire irrésistiblement.

Alors cette rando au plateau d’Emparis, entre deux saisons, alors que l’hiver s’entête aux dépends du printemps est forcément particulière. Ou particulièrement belle, tout simplement.

Je ne vous fais pas d’itinéraire rando : vous en trouverez des dizaines, adaptés à ce que vous cherchez – de la balade à la randonnée sur plusieurs jours.

Vallée & Meije

Le soleil émerge à peine derrière la Meije et la vallée est encore dans l’ombre. L’ascension est pénible entre verglas et neige molle ; les crampons font leur maximum, mais n’évitent pas quelques surprises, et de la neige jusqu’à mi cuisses. Sur le flanc exposé au soleil, les sentiers de l’été sont déjà dégagés et les colchiques envahissent les parterres d’herbes desséchées par l’hiver.

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Il n’y a personne et on prend le temps d’une pause au soleil, en compagnie d’une marmotte à quelques mètres qui s’offre une petite sieste matinale. Notre présence ne semble pas la gêner, alors on reste tranquille, en contemplant l’ombre qui se retire des ruelles dans le village en contre-bas.

Terrain de jeu infini

Il n’y a pas à grimper très haut pour avoir une impression d’infini : le plateau d’Emparis dévoile rapidement un territoire qui semble immense et vide. Les alpages ne sont pas encore peuplés, rien ne perturbe le regard. Il n’y a que de l’herbe morte et de la neige, quelques rochers et des ruines, et les montagnes alentours. Même les vallées s’effacent et l’horizon écrase les pics ; seuls quelques familles de corbeaux donnent une échelle au paysage.

Rando sans itinéraire

Le plateau d’Emparis invite à se perdre, à essayer chaque sentier, à rester attentive à chaque piste. Alors on s’éloigne du chemin prévu en suivant les traces qui nous inspirent. Et comme souvent, on retrouve des lieux habités, ou qui l’ont été ; l’instinct nous porte toujours vers des endroits qui parlent à notre âme humaine, où nos pas nous ramènent.

Pour moi, c’est là le plaisir de la marche et de la découverte : trouver des lieux de réconfort au milieu de paysages immenses et sublimes. Des cocons où peut-être on poserait bien ses bagages, et qui sont un lien avec celles & ceux du passé, souvent.

Pause encore. La Meije brille de milles feux, et les rivières de neige dessinent les contours des futurs herbages.

Montagne & silence

C’est un luxe qui devient trop rare ; ce jour-là il n’y a que quelques randonneurs et skieurs à arpenter ce bout de plateau d’Emparis. Nous et le silence dans la montagne. J’ai le cœur serré en pensant au énième projet de téléphérique qui rayera à nouveau la Meije en face. Et je préfère éviter de penser à la fréquentation estivale, ou aux concerts extérieurs des stations de ski. Si au moins, nous étions moins nombreux.

Pourtant marcher est une chose toute simple, naturelle, et admirer ces paysages, nul·le ne devrait en être privé·e. Il y a mille petites choses sublimes à admirer, et à écouter. Surtout, surtout en Oisans.

À chaque redescente, j’ai la même impression. Celle de quitter quelque chose que je ne retrouverai jamais, quelque chose qui est en danger, qui pourrait disparaître. Quelque chose qui a déjà perdu en beauté et en pureté. J’ai de la peine et je me sens curieusement coupable d’être là.