Du sommet, vois-tu la mer ?
Dans l’obscurité, il est impossible de voir le jugement dans les yeux de sa propre ombre ; c’est aussi simple que ça. Il n’y a pas besoin d’originalité dans la souffrance. Nos petites lâchetés, vécues comme des drames personnels, sont communes. Trajectoires parallèles du vague à l’âme, bord à bord, yeux fermés.
Sortir à la lumière, ce n’est pas affronter le monde. Ce n’est pas être aveuglé·e par les autres, ou se désensibiliser à la fureur. C’est ne plus fuir les miroirs, tomber le masque, s’affronter soi-même. La notion d’abandon dans ces expressions frise la résignation d’un champ de bataille, pourtant, ce n’est pas ce que je ressens.
J’apprivoise mes laideurs. Je ne chéris pas mes blessures, je ne célèbre pas les survies, je ne porte pas aux nues ma propre histoire. Je suis là, toujours un peu bancale, avec ma manie de mordre avant de fuir. Juste un peu moins qu’avant. Juste un peu plus soulagée d’être ainsi faite, de comprendre un peu pourquoi, d’accepter qu’il n’y a pas de réponse absolue, pas de bonne réponse tout court.
Il y a des poches de paix, dans le silence. Des bribes de souvenirs qui retrouvent un peu de sens. Un compas dont l’aiguille vacille moins frénétiquement, et qui me donne moins de mal de terre. De la musique et quelques rires, là où il n’y avait que les mots durs que je m’adressais sans cesse.
Il y a un peu plus de temps pour regarder le paysage, et un peu plus de force pour regarder en arrière.
Y a-t-il une lecture absolue de nos propres histoires ? Une version véritable, omnisciente, sublimant et transcendant ce paquet de chaos et de heurts ? L’idée est stupide.
5 ans d’errance pour un compas ivre de douleurs. Est-ce que ça ferait une bonne histoire ? Par bribes de souvenirs épars, remodelés, réchauffés et ré-assaisonnés peut-être.
Du sommet, vois-tu la mer ?