Caroux | Randonnée avec mon chat
Grâce à un réseau social hautement pénible dont on ne prononcera pas le nom mais reconnaissable sans peine avec son algorithme propulsant des bikinis mais jamais de tétons, partir barouder avec son chat est devenu A Thing. Et moi, j’ai toujours trouvé ça con, une randonnée avec mon chat. Parce que oui ça fait joli un chaton en promenade dans des grands espaces, mais nos félins de salon formatés au jardin de banlieue ou à l’arbre à chats en appartement n’ont rien à faire dans la pampa, terrorisés par les dangers potentiels, leur cœur battant à 300 à l’heure dans leur petite cage thoracique molle.
Non, franchement, c’est totalement con.
L’immense majorité des chats n’est pas du tout préparée à ça, et ils ne risquent pas d’aimer la blague. Ce sont des casaniers – et les chattes sont elles généralement territoriales. La nature et les paysages, ce sont surtout des zones de grands dangers, que ce soit des animaux sauvages, des abruti·e·s d’humain·e·s, ou des chiens en goguette (ne laissez pas vos chiens divaguer en rando, merci pour les petites bêtes !). Les chats ont beau être des prédateurs, ils savent très bien qu’ils surtout des petits machins.
Alors, consciente de tout cela, pourquoi diable ai-je tenté une petite randonnée avec mon chat ? Et bien laissez-moi vous présenter tout d’abord Nealah, surnommée Chaton, 13 ans, moins de 4 kg (si si), croisée porte et fenêtres de son état mais avec un peu de norvégien dans tout ça. Des pattes solides, du poil partout, et un caractère de tête de pioche à toute épreuve. Difficilement impressionnable, et sacrément têtue. Habituée à déménager, elle ne s’est jamais cachée dans un coin comme le font souvent les chats quand on les change d’environnement. La voiture, pas de problème. En fait tant qu’on est là, c’est simple : tout va bien. Son mental n’en fait pas automatiquement un chat baroudeur, mais c’est déjà une bonne base. Et surtout, l’extérieur, elle connaît : elle a eu ces 7 dernières années plus de 2 hectares et des brouettes pour se dérouiller les pattes et apprendre la vraie vie de chat.
Super-Chaton sur le Caroux
On part donc avec un harnais confort (enfin, autant qu’il puisse l’être), une laisse et un sac à dos avec hublot, dont internet nous a changé les louanges. Et nous voilà sur le Caroux, une fois encore, du côté des gorges de Colombières. J’avais très envie de lui faire découvrir ces paysages de bruyères et de cailloux. Très vite elle râle et veut sortir du sac, donc on lui laisse le champ libre pour nous montrer comment elle se sent. Et elle part tranquillou sur le sentier, curieuse mais sans stress, renifler des plantes.
Elle s’assoit même au bout de quelques mètres pour admirer le paysage. Et repart en marchant. C’est elle qui me traîne sur la piste de terre, qui saute sur les cailloux. Même si j’avais confiance en elle, j’étais préparée à la rentrer dare-dare en cas de panique, ou signe d’inconfort. Mais elle m’épate, elle et ses grosses pattes, à cheminer résolument derrière Thibaut sur le sentier – voire à nous précéder.
On commence donc une balade sympathique vers le mont Caroux, mi-soleil mi-ombre, avec le chat qui trottine devant ou fait des pauses dans mes bras. Hors de question de lui user les coussinets, elle n’a pas vu l’extérieur depuis plusieurs mois. Mais ça pèse, une bestiole dans les bras, même si ça semble lui faire plaisir et la rassurer de voir le monde de plus haut. On a de la chance, il n’y a quasiment personne, on croisera juste quelques randonneurs sympathiques qui ne l’auront probablement même pas remarquée.
Au bout de quelques temps, néanmoins, je sens que Nealah se demande un peu quel est l’objectif, où diable cela nous mène, et si on sera parti longtemps. Je pense que c’est au moment où son sens de l’orientation a commencé à lui faire défaut. Du coup, on se fait une petite pause, on lui propose à grignoter, mais on sent qu’elle est un peu tendue.
Pas question de transformer l’escapade en mauvaise expérience donc on écourte la balade et on rentre. Elle suit très bien, elle me traîne même ! Mais elle a perdu le nord et essaye de faire demi-tour avec des points d’interrogation entre les deux oreilles. Du coup retour dans les bras, et puis dans le sac, pour la redescente dans les cailloux. C’est plus sympa.
Point matos de rando avec le chat
Le sac à dos hublot par contre, on ne refera pas. Elle commence à protester quand on la rentre dedans, sauf s’il reste ouvert.
Elle n’a pas assez de place pour s’installer correctement à l’intérieur, donc elle est un peu tordue, et le sac bouge énormément même s’il est bien ajusté… Or Nealah est plus sensible que d’autres chats sur ce point, elle a vite la nausée. Arrivés en bas, la catastrophe arrive : elle a été tellement ballotée qu’elle commence…
à vomir…
DANS LE HUBLOT.
Vision d’horreur. On essaye de la sortir le plus vite possible mais il est trop tard. C’est évidemment à ce moment qu’un chien, fort gentil au demeurant, accourt pour dire bonjour – et les chiens Nealah, elle leur pète les dents. Donc je la repêche par le harnais en vitesse, avec son air outré, ses pattes qui pendouillent et son vomi au bout du nez : ni-ckel.
Soyons honnête, comme tout s’est bien terminé, j’y repense souvent avec un énorme fou-rire.
Heureusement on avait anticipé les bêtises (quand on a un chat, on connait les risques), et on avait de quoi la nettoyer ainsi que le sac. Retour à la voiture qui n’est pas très loin, et on rentre – Nealah pique un roupillon contre moi.
Voiture, retour dans le sac, et hop à l’appart en se demandant si elle ne va pas nous faire la tronche pendant 107 ans, puisque c’est, rappelons-le, une sacrée tête de pioche.
Randonnée avec mon chat : The End.
On ouvre le sac, elle sort, on vire le harnais, elle s’étire, et part grignoter quelques croquettes et boire. Puis miaule fermement avant de demander à squatter le canapé, ce qui reste interdit, oui même quand on est un pauvre chaton dont les humains sont un peu cons.
Les jours suivants, RAS, à part… un mieux être général. Elle nous semble plus présente, plus joueuse, et son souci de peau qu’elle traîne depuis des années se calme totalement pendant presque une semaine. Elle demande aussi bien plus à sortir sur les petits balcons de ville, et campe devant les miroirs qu’elle prend pour des portes. Aïe.
Bref, zéro trauma, de chouettes souvenirs pour une petite balade d’une heure au final, et un sac à dos à hublot qui ne servira plus jamais. Je ne suis pas certaine de faire un jour une vraie randonnée avec mon chat, surtout qu’elle n’est plus toute jeune même si elle est en pleine forme ; par contre dans un coin tranquille et joli, je pense qu’elle sera tout à fait partante pour, de temps en temps, une courte balade. Et ça, ça me fait un plaisir infini.
Sacré Chaton.