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Écrits

Non fugit umbra, fugis

Tous les matins, fermer les volets me massacre le cœur.
Clore les volets pour échapper au soleil, garder le peu de fraîcheur à l’intérieur ; se priver de la lumière, par nécessité.
Je ferme ces volets et le noir progresse, coule sur mes pieds, agrippe mes chevilles. Je sens monter l’ombre, un centimètre après l’autre, le long de la vitre – à l’intérieur de moi, jusqu’aux cernes sous mes yeux. Une encre épaisse, que la plume inerte peine à vider.

C’est une sensation insupportable. Je me noie, et les impressions remontent. Je ne respire plus, et à la surface du monde, je n’existe plus.
C’est une sensation que je connais par cœur.
Respirer le moins possible, sans un bruit. Fermer les yeux, pour prétendre contrôler la nuit artificielle. Ne plus bouger. Se mettre entre parenthèses, le temps de ; espérer ne rien ressentir. Prétendre aspirer à la solitude.
Je me laisse traverser. Le courant charrie sa boue, déplace mes murs, sape la terre sous mes racines. Je suis polie par le flot hors de mon contrôle, alors je souris. Que faire d’autre ?

Et pourtant, tous les matins, quand je ferme les volets, c’est mon poing que je serre autour de mon cœur en espérant qu’il battra moins fort. Moins douloureusement. Qu’il ne se battra pas trop, cette fois ; à s’agiter de façon stupide, on s’accroche à toute l’épineuse misère qui hante les bords de fleuves.

Se priver de la lumière.
Et à force, craindre ce que l’on a toujours espéré.
C’est le nom que je porte ici.
C’est le nom que je veux changer.

Te regat alia lux.

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