• ,  Écrit ensemble

    Solo

    La rumeur enfle. Le léger bourdonnement à nos oreilles devient infernal et je te vois tressaillir ; puis la torpeur. Elle est trompeuse ; je me ressers un verre et me trouve une place, ni trop près ni trop loin, pour admirer la pièce à venir. Dans la salle les esprits s’échauffent, les gestes deviennent plus saccadés, et plus personne n’arrive à terminer ses phrases. Des mots que de toute manière, plus personne n’écoute. Au premier acte, il y a toujours cette confusion, comme une armée en déroute sur un champ de bataille et des généraux qui s’invectivent au-dessus d’une carte. J’attends fébrilement, réprimant à grand peine mon enthousiasme, quand…

  • Écrit ensemble

    Soif

    Au coin de nos yeux, sang et sel s’enlacent. Du temps nous avons perdu la trace, et nul nord ne nous ombragera encore. Quelques branches décharnées émergent, et le vent hurle en lacérant nos peaux. Le coin de mes lèvres éclate quand je me moque de la mort, et ma gorge siffle dans un semblant de rire. J’étends les bras vers le bleu vautour. D’en haut, les rameaux secs doivent dessiner les os de mes ailes décharnées. D’en haut, je dois me confondre entre la piste blanche et les crevasses mauves et rosâtres des trépassés. D’en haut, d’un coup d’aile, avec l’aide du vent, nous pourrions encore brûler du feu…

  • Écrit ensemble

    Contrôle

    “Par là ! Le chemin !” Je te vois partir, le pas plus léger. Le sommet atteint, enfin, après trois ou quatre remontées – glaçantes désillusions. J’ai les poumons en feu, les cuisses qui brûlent ; la pente n’est pas amicale. Je vole quelques précieuses secondes encore pour souffler, en fermant les yeux pour ne pas voir l’épaisse brume m’engloutir et noircir. La nuit est proche. Et nous sommes tout en haut, comme deux joyeux idiots, au beau milieu de notre carte, avec encore toute la moitié d’un périple à accomplir. Je te voir partir, le pas plus léger, et je sens un frisson le long de mon échine ;…

  • ennui fenêtre ouverte
    Écrit ensemble

    Goutte à goutte

    Le silence s’impose, petit à petit. Il n’y a dans l’air que le cri de quelques mouettes, et au loin, une vague rumeur, comme une onde. Le soleil éclabousse les toits mais la ville elle, sonne comme lorsqu’il neige ; tout est lent, assourdi. Sur un bout de terrasse, deux silhouettes mangent en silence, sans oser faire un seul bruit de fourchette. J’ai l’impression que je pourrais distendre le paysage qui s’étale entre les deux montants de la fenêtre, l’étirer, le modeler jusqu’à ce qu’il devienne flou, filandreux, flasque. Je ferme les yeux mais je l’entends toujours. Se superposant au silence, un crissement féroce, encore loin pourtant, mais qui se…

  • Écrit ensemble

    Étincelle

    Je revois les contours que la lune dessine sur le bord des pousses nouvelles, les fils argentés découpés parfaitement, soulignant le velours des jeunes feuilles de hêtre ; celles qui se déroulent comme un tapis que l’on jette en bas des marches. Le reflet de l’astre noyé dans un plan d’eau, mouvant dans la rivière, éclatant sur le bord d’une fenêtre. Comme la lune m’a réveillée, nuit après nuit, pleine et moqueuse… se découpant derrière un mur, ou surgissant d’un nuage. Comme elle a fait tonner mon cœur ! J’y songe et ma respiration s’emballe. Je suis à nouveau l’animal pris au piège dans sa lumière, en apnée et les…